Pourquoi le cancer de l’ovaire est-il si difficile à détecter ?

Le cancer de l’ovaire reste l’un des cancers gynécologiques les plus redoutés. Contrairement à d’autres, il ne dispose pas de dépistage systématique efficace, et ses premiers signes sont souvent silencieux, flous ou confondus avec des troubles banals du quotidien. Résultat : il est souvent découvert à un stade avancé. Selon l’Institut National du Cancer (INCa), près de 75% des cancers de l’ovaire sont diagnostiqués lorsqu’ils se sont déjà propagés au-delà des ovaires.

Ce retard de diagnostic est lourd de conséquences : le taux de survie à 5 ans atteint environ 92% pour une maladie limitée à l’ovaire, mais chute à 30% lorsqu’elle est diagnostiquée à un stade avancé.

Des symptômes longtemps invisibles, puis trompeurs

Le principal piège du cancer de l’ovaire, c’est la discrétion de ses débuts. Les ovaires sont logés profondément dans l’abdomen, laissant la tumeur s’installer sans provoquer de douleur ou de manifestation franche. Les premiers symptômes sont souvent banals, intermittents et facilement attribués à autre chose : troubles digestifs, prise de poids, stress, syndrome prémenstruel, etc.

Pourtant, certains signes doivent alerter, surtout s’ils sont inhabituels, persistants ou s’aggravent avec le temps. Il ne s’agit pas de céder à la panique, mais de savoir repérer ce qui sort de l’ordinaire.

Quels sont les signes à connaître ?

Il existe plusieurs signes précoces mais non spécifiques du cancer de l’ovaire. Leur principale caractéristique : ils s’installent progressivement, deviennent plus fréquents et ne disparaissent pas.

  • Ballonnements abdominaux persistants : sensation de ventre gonflé, même en dehors des repas.
  • Douleurs abdominales ou pelviennes chroniques : douleurs basses du ventre, diffuses ou localisées, inhabituelles.
  • Modification de l’appétit : perte d’appétit rapide, sensation d’être rassasiée après avoir mangé peu (“satiété précoce”).
  • Besoin d’uriner plus fréquent ou urgent (sans infection urinaire détectée).
  • Modifications du transit intestinal : constipation, diarrhées récurrentes ou alternance des deux.
  • Perte ou prise de poids inexpliquée.
  • Saignements vaginaux anormaux (particulièrement après la ménopause), bien que ce soit moins fréquent.
  • Fatigue inhabituelle, douleur dans le dos ou gêne pelvienne persistante.

Des études ont montré que 90% des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire ont eu au moins un de ces symptômes dans les six mois ayant précédé le diagnostic. Mais parce que ces signes sont non spécifiques, ils sont souvent attribués à d’autres causes.

Quand faut-il consulter ?

Il est important de distinguer les symptômes passagers (liés au stress, à l’alimentation, à la fatigue) de ceux qui persistent ou s’intensifient. Selon la Société Française de Gynécologie, la règle suivante peut aider :

  • Un nouveau symptôme abdominal ou pelvien qui survient plus de 12 fois par mois.
  • Un symptôme qui s’installe depuis plus de trois semaines.

En pratique, si vous ressentez l’un des symptômes cités plus haut, de manière inhabituelle, persistante, ou qu’ils ne s’améliorent pas malgré les traitements habituels, il est indispensable de consulter un médecin. Seule une évaluation médicale permettra d’éliminer une cause banale… ou de détecter plus tôt une pathologie sérieuse.

Les facteurs de risque : être attentive sans se culpabiliser

Le cancer de l’ovaire touche chaque année presque 5 200 femmes en France, la plupart après 50 ans. Certains facteurs augmentent le risque, sans pour autant signifier qu’une femme développera la maladie :

  • Antécédents familiaux de cancer de l’ovaire ou du sein (mutation BRCA1 ou BRCA2, comme l’ont popularisé les cas d’Angelina Jolie ou de nombreuses familles concernées).
  • Absence de grossesse ou ménopause tardive.
  • Âge : la majorité des cas sont diagnostiqués après 50 ans.
  • Traitements de stimulation ovarienne longs ou certains traitements hormonaux (lien débattu, à évaluer au cas par cas).

À noter : la pilule contraceptive diminue le risque de cancer de l’ovaire, tout comme les grossesses et l’allaitement.

Comprendre ces facteurs ne doit pas générer de peur, mais encourage à être attentive à son corps, surtout si l’on présente un risque accru.

Pourquoi ces symptômes sont-ils si trompeurs ?

La difficulté vient du fait que la majorité de ces signes sont fréquents et bénins dans la population générale. Une étude menée par Cancer Research UK a montré que moins de 2% des femmes présentant des symptômes digestifs persistants pensent spontanément au cancer de l’ovaire : le plus souvent, elles évoquent un problème digestif, une indigestion ou le stress. Ce décalage explique le retard au diagnostic.

Autre élément : les médecins eux-mêmes sont parfois démunis face à cette symptomatologie floue. D’où l’importance, pour les patientes, de décrire précisément ce qu’elles ressentent, en notant depuis quand, avec quelle intensité et quelle fréquence ces symptômes sont présents.

  • Astuce utile : Tenir un carnet de symptômes (jour, heure, description) peut aider à être plus précis·e lors de la consultation.

Que fait-on en cas de doute ? Le parcours de soins

Aucun test de dépistage ne peut aujourd’hui permettre de repérer le cancer de l’ovaire en l’absence de symptômes ou de facteurs génétiques identifiés (source INCa). La prise en charge commence toujours par une consultation médicale :

  1. Examen clinique : palpation de l’abdomen, toucher vaginal, recherche de masses anormales.
  2. Échographie pelvienne : exploration des ovaires et de l’utérus.
  3. Dosage du CA-125 (marqueur tumoral) : pas spécifique, mais utile en cas de suspicion associée à des anomalies à l’imagerie.
  4. Scanner ou IRM si nécessaire, pour préciser l’extension.
  5. Discussion en réunion multidisciplinaire si un cancer est suspecté.

En Seine-Saint-Denis, des structures spécialisées comme les Centres de Coordination en Cancérologie (3C) et les réseaux de soins facilitent l’accès rapide à ces examens et à un avis spécialisé.

Idées reçues et réalités : ce qu’il faut retenir

  • Mythe : “Le cancer de l’ovaire fait toujours mal.” Réalité : Il peut être totalement indolore au début. La douleur n’est pas un critère fiable pour exclure la maladie.
  • Mythe : “Si l’on n’a pas de cas dans la famille, il n’y a aucun risque.” Réalité : 90% des cancers de l’ovaire ne sont PAS liés à une mutation génétique familiale reconnue.
  • Mythe : “Les tests sanguins de routine détectent le cancer de l’ovaire.” Réalité : Il n’existe aucun test simple et fiable, d’où l’importance de surveiller les signes cliniques.

Agir : informer, dialoguer, ne pas subir

Mieux détecter le cancer de l’ovaire passe avant tout par l’écoute de son corps et la légitimation des inquiétudes. Oser parler de symptômes, même banals, permet d’avancer. En Seine-Saint-Denis, où les inégalités de santé persistent, l’accès à l’information joue un rôle déterminant dans la prévention et le diagnostic précoce. Les patientes, mais aussi les proches et les soignants, doivent être attentifs ensemble : en discutant, en partageant leurs doutes, en consultant sans attendre.

Le cancer de l’ovaire n’est pas une fatalité silencieuse. Repérer tôt ses signaux, même discrets, c’est ouvrir la porte à des traitements plus simples et à des chances de guérison nettement meilleures. Retenir l’essentiel : un symptôme persistant et inhabituel, hormis le stress ou l’alimentation, mérite d’être investigué. Mieux vaut un avis rassurant qu’un silence préjudiciable.

Ressources et sources :

  • INCa. Dossier “Cancer de l’ovaire”
  • Cancer Research UK. Signs and Symptoms of Ovarian Cancer.
  • Société Française de Gynécologie. Ovarian Cancer: Clinical Practice Recommendations.
  • OMS, “Cancers des organes reproducteurs féminins : chiffres et prévention”

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