Le cancer du col de l’utérus : de quoi parle-t-on précisément ?

Tout d’abord, précisons : le « cancer de l’utérus » désigne, dans la plupart des cas, le cancer du col utérin. Il ne doit pas être confondu avec le cancer du corps de l’utérus (endomètre). Le cancer du col de l’utérus reste l’un des plus fréquents chez la femme, avec plus de 3 000 nouveaux cas découverts chaque année en France (Santé Publique France, 2023). Il est avant tout causé par des infections durables au papillomavirus humain (HPV).

  • Âge moyen au diagnostic : autour de 51 ans, mais il touche aussi des femmes plus jeunes
  • Taux de survie : plus de 90 % si détecté tôt
  • Régions concernées : l’incidence est plus forte dans certains territoires, dont la Seine-Saint-Denis

La prévention et le dépistage régulier sont donc essentiels pour réduire le nombre de stades avancés, qui nécessitent des soins complexes et ont un pronostic bien moins favorable.

Comment le dépistage est-il habituellement réalisé en France ?

En France, il existe un programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus (INCa). Celui-ci cible les femmes de 25 à 65 ans, selon une fréquence adaptée à l’âge et au résultat des tests. La méthode principale repose sur deux examens :

  1. Le frottis cervical (cytologie) : réalisé entre 25 et 29 ans, puis selon les résultats.
  2. Le test HPV (détection ADN du virus) : à partir de 30 ans tous les 5 ans si négatif.

Dans la majorité des cas, ces examens sont réalisés lors de consultations gynécologiques. Mais en pratique, la réalité est plus nuancée.

Consultation gynécologique : un passage obligé ?

Non, le passage par le gynécologue n’est pas obligatoire. D’autres professionnels peuvent pratiquer et interpréter le prélèvement :

  • Médecin généraliste : il peut proposer et effectuer les prélèvements
  • Sage-femme : également habilitée à pratiquer les examens de dépistage, même hors suivi de grossesse
  • Centres de santé, centres de planification ou PMI (Protection Maternelle et Infantile) : ces structures sont accessibles sans avance de frais

En Seine-Saint-Denis notamment, où le nombre de gynécologues par habitant est l’un des plus bas d’Île-de-France, ce sont souvent les sages-femmes et médecins généralistes qui assurent l’acte de dépistage — et pas seulement pour les jeunes femmes.

Des alternatives hors consultation : auto-prélèvement et campagnes mobiles

Depuis quelques années, la question d’un dépistage sans examen gynécologique fait l’objet d’évaluations. Deux alternatives majeures se développent et changent progressivement la donne :

L’auto-prélèvement vaginal : une innovation bientôt partout ?

Depuis fin 2022, l’auto-prélèvement vaginal pour la détection du HPV est recommandé par la Haute Autorité de Santé dans certains cas (source HAS). Concrètement, il s’agit d’un kit fourni par un professionnel de santé ou adressé à domicile, permettant de réaliser soi-même le prélèvement, puis de le renvoyer au laboratoire.

  • Pour qui ? Les femmes qui ne consultent pas spontanément ou refusent un prélèvement sur table d’examen (phobie, tabous, douleurs, handicap, problèmes d’accès aux soins, etc.).
  • Fiabilité ? Selon les études, la sensibilité diagnostique de l’auto-prélèvement pour la détection du HPV est quasiment équivalente à celle du prélèvement réalisé par un professionnel.
  • Déploiement : Depuis 2023, il est proposé de manière ciblée dans certains territoires ou lors de campagnes de dépistage organisé.

Exemple concret : lors d’une campagne de l’Assurance Maladie menée en 2022 dans plusieurs quartiers prioritaires du 93, plus de 900 femmes ont reçu un kit d’auto-prélèvement — et 20 % d’entre elles ne s’étaient jamais fait dépister auparavant (source : Assurance Maladie, campagnes pilotes). Cela montre l’efficacité de cette alternative dans la lutte contre les inégalités d’accès au dépistage.

Les bus et dispositifs itinérants de dépistage

Autre solution : certains territoires expérimentent l’organisation de bus santé ou de journées dédiées au dépistage. Ces dispositifs mobiles se déplacent au plus près des habitants : marchés, quartiers populaires, associations, etc. Sur place, des sages-femmes ou infirmier·es formé·es peuvent expliquer, faire le prélèvement ou distribuer des auto-tests.

  • Avantage : évite la barrière du cabinet médical, favorise le dialogue et l’accès pour les personnes isolées
  • Limite : les campagnes restent ponctuelles, et l’anonymat n’est pas toujours total

En Seine-Saint-Denis, le dispositif « bus santé femmes » a permis de toucher près de 1 500 femmes en seulement un an, dont beaucoup n’auraient pas consulté autrement (source : Agence Régionale de Santé Île-de-France).

Quels sont les freins identifiés au dépistage et pourquoi ces alternatives sont cruciales ?

Malgré son importance, le dépistage reste en deçà des objectifs nationaux : seulement 59 % des femmes concernées effectuent un dépistage dans les temps (données INCa, 2023). Ce chiffre descend parfois à moins de 45 % dans certains quartiers de Seine-Saint-Denis (source INCa).

Les freins sont multiples :

  • Manque de temps ou d’information
  • Crainte de la douleur ou de l’inconfort
  • Barrière de la langue ou culturelle
  • Absence de gynécologue de proximité
  • Recul devant l’examen intime

Les alternatives comme l’auto-prélèvement permettent de lever certains de ces obstacles, particulièrement pour les femmes précaires, migrantes, en situation de handicap ou très jeunes/âgées. Les campagnes mobiles augmentent quant à elles la visibilité de l’enjeu, relancent la dynamique de prévention, et instaurent un climat de confiance autour de la démarche.

Ce qu’il faut retenir sur les nouvelles options de dépistage hors consultation

  • Auto-prélèvement : recommandée pour celles qui ne veulent / peuvent pas passer d’examen traditionnel. Disponible sur demande dans certains centres — l’offre va s’étendre en 2024.
  • Dépistage en cabinet : accessible chez le médecin généraliste, la sage-femme, et pas uniquement chez le gynécologue
  • Campagnes mobiles ou en centres de santé : une solution si vous n’avez ni gyneco ni professionnel disponible près de chez vous

Le frottis du col reste donc accessible en dehors du strict cadre de la consultation gynécologique. Il est possible d’être dépistée au plus près de là où l’on vit, avec ou sans rendez-vous, gratuitement sur simple prise en charge de l’Assurance Maladie dans le cadre du dépistage organisé, ou de façon anonyme dans certains centres.

Focus : comment ça se passe concrètement en Seine-Saint-Denis ?

Dans ce département, le défi de l’accès au dépistage est majeur : près de 50 % des femmes n’ont pas bénéficié d’un test dans les 3 dernières années. Face à cette réalité, le réseau local s’organise :

  • AMP (Associations de Médecins de Proximité) : proposent régulièrement le dépistage dans les consultations de médecine générale
  • Sages-femmes de PMI : effectuent chaque mois des sessions ouvertes, sans formalités, parfois dans plusieurs langues
  • Centres IVG / planification familiale : offrent des consultations anonymes et gratuites, jeunes femmes comme plus âgées
  • Campagnes de dépistage par auto-prélèvement : organisées dans les quartiers prioritaires, maisons de quartier, ou via les associations de femmes

Il existe aussi des médiatrices en santé, relais essentiels pour accompagner dans la démarche, traduire, expliquer, lever les peurs.

Aller plus loin : entre innovations et changement de culture autour du dépistage

Le dépistage du cancer du col de l’utérus n’est donc plus réservé aux consultations gynécologiques. En s’adaptant aux besoins de toutes, le système de santé tente de redonner du pouvoir d’agir à chacun·e. Les laboratoires et les associations de patients militent pour généraliser l’auto-prélèvement à toutes les femmes concernées, en complément des campagnes d’information menées localement.

En phase expérimentale ou déjà accessibles pour certaines, ces nouvelles méthodes donnent un nouvel élan : lever les peurs, s’approprier sa santé, et surtout rassurer. Si l’on résume, le frottis n’a plus besoin d’être source d’angoisse ni de contrainte logistique.

  • Vous pouvez demander le test à votre médecin ou sage-femme sans RDV spécialisé
  • Vous pouvez vous renseigner auprès de votre centre de santé, PMI ou via les campagnes de l’Assurance Maladie
  • Vous pouvez, dans des cas ciblés, demander un kit d’auto-prélèvement ou bénéficier du dispositif mobile

Plus de 1 000 décès pourraient être évités chaque année en augmentant le taux de dépistage selon l’Institut National du Cancer. Pour chacun et chacune, le message est simple : il existe toujours une solution qui s’adapte à votre situation, votre pudeur, vos contraintes, et vos priorités.

La lutte contre le cancer du col de l’utérus, c’est aussi cela : avancer au rythme de chacun·e, sans stigmatiser ni culpabiliser. Et permettre, notamment dans des territoires comme la Seine-Saint-Denis, qu’aucune femme ne renonce à sa santé pour une question de distance, de peur ou d’habitude. Informer, c’est déjà protéger.

Sources : Santé Publique France ; Institut National du Cancer (INCa) ; Assurance Maladie ; HAS ; ARS Île-de-France ; Initiatives locales Seine-Saint-Denis.

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